Le dixième problème de Hilbert:
que peut-on faire avec les équations diophantiennes?
Yuri Matiiassévitch.
Professeur à l'Institut Steklov de mathématiques à
Saint-Pétersbourg
J'ai déjà fait beaucoup d'exposés
sur le dixième problème de Hilbert mais cela me fait
très plaisir d'en faire un de plus à Paris, la ville
dans laquelle David Hilbert a énoncé ses fameux problèmes.
C'était pendant le Second Congrès International des
Mathématiciens qui s'est tenu en 1900, c'est-à-dire
la dernière année du dix-neuvième siècle.
Hilbert voulait signaler les plus importants problèmes
mathématiques non résolus que le vingtième siècle
allait hériter du dix-neuvième siècle. On parle
habituellement des vingt-trois problèmes de Hilbert et on les
nomme le premier, le second, le troisième, ..., le vingt-troisième
problème d'après l'ordre dans lequel ils sont numérotés
dans le texte publié. En fait plusieurs de ces problèmes
sont des collections de problèmes ayant un lien entre eux.
Par exemple le huitième problème comprend, en particulier
:
la conjecture de Goldbach,
l'hypothèse de Riemann,
l'infinitude des nombres premiers jumeaux.
La formulation du dixième problème est si courte qu'elle
peut être reproduite ici in extenso :
10. Entscheidung der Lösbarkeit einer diophantischen
Gleichung.
Eine diophantische Gleichung mit irgendwelchen Unbekannten und
mit ganzen rationalen Zahl-koefficienten sei vorgelegt : man soll
ein
Verfahren angeben, nach welchen sich mittels einer endlichen Anzahl
von
Operationen entscheiden l”þt, ob die Gleichung in ganzen rationalen
Zahlen l–sbar ist.
Une équation diophantienne est une équation
de la forme :
où D est un polynôme à coefficients
entiers, positifs ou négatifs. Ces équations sont appelées
ainsi d'après le mathématicien grec Diophante qui vivait
au troisième siècle.
Le dixième problème de Hilbert peut aussi
être vu comme une collection de problèmes mais il existe
une différence essentielle avec d'autres problèmes.
Tout d'abord les problèmes individuels sont de même
nature, chacun est représenté par une équation
diophantienne particulière.
Ensuite il existe un nombre infini (dénombrable) de
tels problèmes.
Enfin, et c'est le plus important, dans le dixième problème
David Hilbert demande une méthode universelle unique qui doit
pouvoir s'appliquer à chacune des équations. Depuis
l'époque de Diophante, les théoriciens des nombres ont
trouvé des solutions à un grand nombre d'équations
diophantiennes, et ils ont établi aussi la non-résolubilité
d'un grand nombre d'autres équations. Malheureusement, pour
différentes classes d'équations, et même pour
différentes équations particulières, il a été
nécessaire d'inventer des méthodes spécifiques
et différentes. Ce que demande Hilbert, c'est une méthode
universelle pour décider de la résolubilité
des équations diophantiennes.
Dans la terminologie actuelle le dixième problème est
un problème de décision, c'est-à-dire un
problème qui se décompose en une infinité de problèmes
particuliers qui demandent une réponse par OUI ou NON. Le cur
du problème de la décision est la recherche d'une méthode
unique capable de fournir une réponse à tous ces problèmes
particuliers.
Le dixième problème est le seul problème de décision
parmi les 23 problèmes de Hilbert.
Dans son dixième problème, Hilbert pose la question de
décidabilité à propos des solutions en entiers
relatifs. On peut aussi considérer un problème analogue
en cherchant des solutions en entiers naturels. Pour une équation
diophantienne particulière, le problème de décider
si elle a une solution entière et le problème de décider
si elle a une solution positive sont en général deux
problèmes vraiment distincts.
Par exemple l'équation :
a clairement une infinité de solutions de la forme x
= z, y = - 1. D'autre part, le fait que cette équation
n'ait pas de solutions positives x, y et z n'est
pas trivial du tout.
D'autre part soit :
une équation diophantienne arbitraire ; supposons que nous soyons
en train de chercher ses solutions entières x 1,
ä, x m. Considérons l'équation
:
Il est clair que toute solution de l'équation (4) d'entiers
naturels y 1, ä, y m,
z 1, ä, z m
engendre la solution :
de l'équation (3) en entiers relatifs x 1,
ä, x m. D'autre part, pour toute solution
x 1, ä, x m
de l'équation (3), on peut trouver des entiers naturels y
1, ä, y m,
z 1, ä, z m
satisfaisant (5) et donnant par conséquent une solution de l'équation
(4). On dit que le problème d'existence de solutions en entiers
relatifs pour l'équation quelconque (3) se réduit au problème
d'existence de solutions en entiers naturels pour l'équation
(4).
On dit aussi que le problème de décision d'existence
de solutions en entiers relatifs se réduit au problème
de décision d'existence de solutions en entiers naturels. En
fait, ces deux problèmes sont équivalents mais la réduction
en sens inverse est mois évidente.
Soit :
une équation diophantienne quelconque, et supposons que nous
cherchions ses solutions positives. Considérons l'équation
suivante :
Il est clair que toute solution de l'équation (7) en entiers
relatifs fournit une solution de (6) en entiers positifs.
La réciproque est tout aussi vraie, puisque, d'après un
théorème de Lagrange, tout entier naturel peut être
représenté comme somme de quatre carrés.
Ainsi nous avons montré que le problème de décision
consistant à déterminer l'existence de solutions positives
est réductible au problème de décision consistant
à déterminer l'existence de solutions entières.
Nous avons vu que pour une équation diophantienne particulière,
le problème de décider si elle a une solution entière
et le problème de décider si elle a une solution positive
sont en général deux problèmes vraiment distincts
mais ces deux problèmes sont équivalents en tant que
problèmes de décision, c'est-à-dire comme problèmes
algorithmiques pour les classes des équations. Pour des raisons
techniques, il est plus facile de travailler avec des variables de type
entier naturel, et la plupart du temps je supposerai que nos inconnues
sont des entiers positifs.
Une solution d'un problème de décision donné doit
être donnée sous la forme d'un algorithme qui, pour une
entrée donnée, doit toujours fournir la réponse
désirée OUI ou NON. Cependant à la fin du dix-neuvième
siècle, lorsque Hilbert posa son problème, il n'y avait
pas de définition mathématique rigoureuse de ce qu'est
un algorithme. Tout ce qui était connu étaient des exemples
divers d'algorithmes, commenÁant avec l'algorithme d'Euclide pour déterminer
le pgcd de deux entiers naturels. C'est pourquoi Hilbert, au lieu de
la notion d'algorithme, utilisa une terminologie un peu plus vague en
demandant "une méthode par laquelle, au moyen d'un nombre
fini d'opérations, ...".
L'absence d'une définition générale de ce qu'est
un algorithme n'était pas par elle-même un obstacle pour
une solution positive du dixième problème. Si quelqu'un
avait trouvé la "méthode" désirée
il aurait été clair que cette méthode faisait bien
le travail.
La situation est très différente s'il n'existe pas d'algorithme,
comme cela se passe pour le dixième problème. Pour le
montrer, ou même pour l'énoncer rigoureusement, nous avons
besoin d'une définition de ce qu'est un algorithme.
Une telle définition fut donnée beaucoup plus tard, seulement
dans les années 1930 avec les travaux de Kurt G–del, de Alan
Turing, de Emil Post, de Alonzo Church et d'autres logiciens. Des modèles
différents ont été introduits pour décrire
les outils de calculs : le lambda-calcul, les fonctions récursives,
les machines de Turing, etc. Alonzo Church a été le premier
à comprendre que chacune de ces définitions particulières
reflétait notre idée intuitive de la notion générale
d'algorithme. Cette assertion est maintenant connue sous le nom de thèse
de Church.
Aujourd'hui nous savons que le dixième problème de Hilbert
n'a pas de solution. Ceci signifie qu'il est indécidable en tant
que problème de décision.
Théorème (Indécidabilité
du dixième problème de Hilbert).
Il n'existe pas d'algorithme qui, pour une équation diophantienne
arbitraire donnée,
nous dit si l'équation a une solution ou non.
On parle dans ce sens de la "solution négative" du
dixième problème de Hilbert. En fait cette solution négative
peut être énoncée sous une forme renforcée
par rapport à celle énoncée ci-dessus. Pour démontrer
seulement la non-existence de l'algorithme voulu on pourrait supposer
l'existence d'un tel algorithme et en déduire une contradiction.
Cette faÁon de faire ne donne rien de plus que la déduction de
la contradiction.
Cependant, pour le dixième problème de Hilbert, nous
pouvons faire un peu plus. La non-existence de l'algorithme pour le
dixième problème de Hilbert signifie que, pour tout algorithme
A supposant résoudre le dixième problème de Hilbert,
il existe une équation particulière :
pour laquelle il ne donne pas la réponse exacte. Plus précisément
pour ce contre-exemple soit l'algorithme ne s'arrête jamais, soit
son résultat, s'il existe, est faux.
Théorème (Forme renforcée de
l'indécidabilité du dixième problème de
Hilbert).
Il existe un algorithme qui, pour un algorithme A donné, fournit
un contre-exemple
à l'hypothèse que A résout le dixième problème
de Hilbert.
L'algorithme A peut être représenté sous n'importe
quelle forme standard : comme une machine de Turing, comme une fonction
récursive, ou comme un programme en Pascal sans variables de
type real.
Ces formes de l'indécidabilité du dixième problème
de Hilbert nous indiquent un lien très fort entre les algorithmes
et les équations diophantiennes. L'existence d'un tel lien a
été conjecturé au début des années
1950 par le mathématicien américain Martin Davis. Pour
être capable d'énoncer cette hypothèse j'ai besoin
d'introduire un peu plus de terminologie.
Au-delà des équations diophantiennes individuelles
nous pouvons considérer aussi les familles d'équations
diophantiennes. Une telle famille est définie par une équation
diophantienne de la forme :
où D est un polynôme à coefficients entiers relatifs,
les variables étant partagées en deux groupes :
les paramètres a 1, ä,
a n ;
les inconnues x 1, ä, x m.
Je supposerai que les paramètres, ainsi que les inconnues, ne
peuvent prendre que des valeurs positives. Pour certains choix de valeurs
des paramètres a 1, ä, a n
l'équation (9) possède une solution en les inconnues x
1, ä, x m ;
pour d'autres choix des valeurs des paramètres elle n'a pas de
solution. Nous pouvons considérer l'ensemble
des n-uplets (a 1, ä, a n)
pour lesquels notre équation paramétrée possède
une solution, c'est-à-dire :
De tels ensembles sont dits diophantiens. L'équivalence de la
forme (10) s'appelle une représentation diophantienne
de l'ensemple .
Avec un abus de langage nous pouvons dire que l'équation (9)
elle-même est une représentation de l'ensemble.
Des exemples faciles d'ensembles diophantiens sont les suivants :
l'ensemble des carrés parfaits, représenté
par l'équation :
l'ensemble des nombres composés, représenté
par l'équation :
l'ensemble des entiers naturels qui ne sont pas une puissance
de 2, représenté par l'équation :
Il est un peu moins évident de montrer que l'ensemble des
entiers naturels qui ne sont pas des carrés parfaits
est aussi un ensemble diophantien. Il est cependant représenté
par l'équation :
Si nous nous interrogeons sur le complément des deux autres
ensembles, la réponse n'est pas claire du tout.
L'ensemble des nombres premiers est-il diophantien
?
L'ensemble des puissances de 2 est-il diophantien ?
Il est naturel de se demander s'il existe une caractérisation
de la classe des ensembles diophantiens ou, tout au moins, de chercher
des conditions nécessaires ou des conditions suffisantes pour
qu'un ensemble soit diophantien. On trouve une condition nécessaire
si on considère les ensembles diophantiens d'un point de vue
algorithmique, c'est-à-dire comme calculables sur ordinateur.
D'un point de vue algorithmique tous les ensembles diophantiens possèdent
une propriété importante, à savoir qu'étant
donnée une équation diophantienne (9) nous pouvons fournir
de faÁon effective une liste des n-uplets de l'ensemble diophantien
représenté
par cette équation. Plus précisément il suffit
d'énumérer tous les (n 1 m)-uplets d'entiers dans un certain
ordre et de vérifier un par un si l'équation (9) est vérifiée
ou non. Si ceci est le cas nous mettons le n-uplet (a 1, ä, a
n) dans la liste des éléments de .
De cette faÁon tout n-uplet de
apparaîtra tôt ou tard dans la liste, éventuellement
plusieurs fois.
L'algorithme que nous venons de décrire pour énumérer
les ensembles diophantiens possède une forme très particulière.
En permettant des algorithmes quelconques nous en arrivons à
la notion suivante, étudiée en théorie de la calculabilité.
DÉFINITION. ã Un ensemble
de n-uplets d'entiers naturels est dit listable, ou
effectivement énumérable, si, et seulement si,
il existe un algorithme qui imprime (dans un certain ordre, éventuellement
avec répétition) tous les éléments de
l'ensemble .
Il est, par exemple, facile d'écrire un programme en Pascal
qui pourrait imprimer, si nous disposions d'un temps infini, tous les
nombres premiers ou toutes les puissances de 2. Les ensembles correspondants
sont donc listables.
Nous avons vu que, pour qu'un ensemble
soit diophantien, il est nécessaire qu'il soit listable.
Martin Davis a conjecturé que cette condition est également
suffisante.
Conjecture de Martin Davis. ã Les notions d'ensemble diophantien
et d'ensemble listable coïncident ; autrement dit un ensemble est
diophantien si, et seulement si, il est listable.
La conjecture de Martin Davis énonce que des notions d'origines
différentes, l'une provenant de la théorie des nombres
et l'autre de la théorie de la calculabilité, correspondent
en fait au même concept.
Cette conjecture était plutôt audacieuse car elle a beaucoup
de conséquences étonnantes. Elle implique par exemple
l'existence d'un polynôme P tel que l'équation :
possède une solution si, et seulement si, a est un nombre premier.
Il fut noté par Hilary Putnam qu'une telle équation peut
être réécrite de la faÁon suivante :
En fait toute solution de l'équation (15) peut être étendue
en une solution de l'équation (16) en posant :
D'autre part, dans toute solution, à coordonnées positives,
de l'équation (16), le produit doit être positif, ce qui
n'est possible que si :
ce qui implique à la fois (15) et (17). La conjecture de Davis
impliquait donc l'existence d'un polynôme particulier (le membre
droit de (16)) tel que l'ensemble de ses valeurs positives est exactement
l'ensemble de tous les nombres premiers :
Ce corollaire fut considéré par beaucoup de mathématiciens
comme un argument (informel) contre la conjecture de Davis. Il existait
encore un autre corollaire étonnant de la conjecture de Davis.
Nous pouvons lister tous les ensembles listables :
De faÁon formelle, pour un n donné, nous pouvons considérer
l'ensemble des
(n + 1)-uplets tels que :
Il n'est pas difficile de choisir une telle liste (20) d'ensembles
listables de faÁon à ce que l'ensemble
soit lui-même listable et donc, d'après la conjecture de
Davis, il devrait y avoir une représentation diophantienne :
L'équation (21) implique qu'une représentation diophantienne
d'un ensemble listable quelconque de n-uplets peut être
obtenue à partir d'un même polynôme donné
en fixant seulement la valeur de l'une de ses variables.
Les ensembles listables universels et d'autres objets semblables, comme
les machines de Turing universelles, ont été étudiés
depuis longtemps en théorie de la calculabilité. La conjecture
de Davis impliquait l'existence d'un tel objet universel en Théorie
des nombres, à savoir l'existence pour chaque entier naturel
n d'une équation diophantienne universelle. Plus précisément,
il résulte de (21) et de (22) que l'équation :
est universelle au sens suivant :
Pour chaque équation diophantienne (9) on peut effectivement
trouver un entier k D tel que l'équation (9) possède
une solution pour des valeurs données des paramètres
si, et seulement si, l'équation (23) possède une solution
pour les mêmes valeurs des paramètres a 1,
ä, a n et cette valeur du paramètre
k :
Rien d'analogue n'était connu en Théorie des nombres
avant cela : on peut réduire de faÁon effective le problème
consistant à résoudre une équation paramétrée
de degré aussi grand que l'on veut avec autant d'inconnues que
l'on veut au problème consistant à résoudre une
autre équation avec les mêmes paramètres mais avec
un degré fixé et un nombre d'inconnues fixé.
Dans le cas n = 1 nous pouvons appliquer le "truc"
de Putnam une fois de plus et trouver un polynôme universel V(k,
y 1, ä, y m).
Pour tout ensemble listable M d'entiers naturels il existe un entier
k M tel que M soit exactement l'ensemble
de toutes les valeurs positives prises par V pour k = k
M et des valeurs entières positives
de y 1, ä, y m.
En particulier, pour un certain entier k, le polynôme
V représente de cette faÁon l'ensemble de tous les nombres premiers,
pour une autre valeur de k, l'ensemble de toutes les puissances
de 2 et ainsi de suite. Martin Davis a effectué le premier pas
de la démonstration de sa conjecture. Il a en effet démontré
que tout ensemble listable M possède une représentation
presque diophantienne.
Théorème (Martin Davis, 1950).
Tout ensemble listable M possède une représentation
de la forme :
Les représentations du type ci-dessus devinrent connues sous
le nom de forme normale de Davis. Elles diffèrent des
représentations diophantiennes par la présence d'un seul
quantificateur universel, qui en plus est borné. C'était
une avancée quantitative par rapport au résultat classique
de Kurt G–del qui avait démontré l'existence de représentations
arithmétiques semblables avec un nombre quelconque de quantificateurs
universels.
Tout ce qui restait à démontrer pour prouver la conjecture
de Davis était d'éliminer le dernier quantificateur universel
mais ceci prit vingt ans. Tout d'abord ce quantificateur universel fut
éliminé dans un célèbre article cosigné
par Martin Davis, Hilary Putnam et Julia Robinson publié en 1961.
Cependant le coût de cette élimination était important.
En effet Davis, Putnam et Robinson furent forcés de considérer
une classe d'équations plus importante que celle des équations
diophantiennes, appelée la classe des équations diophantiennes
exponentielles. Ce sont les équations de la forme :
où E G et E D sont ce qu'on appelle des polynômes exponentiels,
c'est-à-dire des expressions construites par les règles
usuelles à partir des variables et des entiers naturels en utilisant
l'addition, la multiplication et l'exponentiation.
Un exemple d'une telle équation diophantienne exponentielle
est :
Davis, Putnam et Robinson ont obtenu une représentation diophantienne
exponentielle de tout ensemble listable.
Théorème (Martin Davis, Julia Robinson,
Hilary Putnam, 1961).
Pour tout ensemble listable
de n-uplets d'entiers naturels il existe une représentation de
la forme :
où E G et E D
sont des polynômes exponentiels.
Ce fut une grande percée puisqu'ici nous avons une représentation
purement existentielle et ainsi nous avons des corollaires immédiats
sur les équations. On peut, en particulier, construire une équation
diophantienne exponentielle universelle :
et ainsi le problème consistant à résoudre une
équation diophantienne exponentielle quelconque peut être
réduit au problème consistant à résoudre
une équation diophantienne exponentielle avec un nombre fixé
d'inconnues. Aujourd'hui nous savons que ce nombre d'inconnues peut
être aussi petit que trois.
Une telle réduction est purement arithmétique dans son
énoncé mais il semble qu'elle n'a jamais été
suspectée par les théoriciens des nombres. Elle fut démontrée
par des logiciens à l'aide de notions venant de la théorie
de la calculabilité. Nous pouvons construire aujourd'hui une
équation diophantienne exponentielle universelle par des moyens
purement arithmétiques.
Mais, même après ce résultat remarquable de Davis,
Putnam et Robinson, pour quelques logiciens éminents l'existence
d'une équation diophantienne universelle semblait impossible.
Ce qui suit fut écrit par George Kreisel dans la recension de
l'article de Davis, Putnam et Robinson dans les Mathematical Reviews
:
Ces résultats ne se rapportent que de faÁon superficielle
au dixième problème de Hilbert sur les équations
diophantiennes (ordinaires, c'est-à-dire non-exponentielles).
La démonstration des résultats des auteurs, quoique
très élégante, n'utilise pas de faits profonds
de la théorie des nombres, ni de la théorie des ensembles
r. e. (récursivement énumérables), et il est
également probable que le présent résultat
n'est pas intimement lié au dixième problème
de Hilbert. Aussi, n'est-il pas entièrement plausible que
tous les problèmes diophantiens (ordinaires) soient uniformément
réductibles à ces derniers, lorsque le nombre de variables
et le degré sont fixés, ce qui serait le cas si tous
les ensembles r. e. étaient diophantiens.
Après le travail de Davis, Putnam et Robinson pour essayer de
démontrer la conjecture de Davis, il était suffisant de
montrer que l'ensemble de tous les triplets de la forme (a, b,
a puissance b) est diophantien. En effet supposons qu'il en soit
ainsi. Soit alors :
la représentation diophantienne correspondante. à l'aide
d'un tel polynôme A nous pouvons transformer une équation
diophantienne exponentielle quelconque en une équation diophantienne
avec des inconnues supplémentaires. Considérons à
nouveau l'équation (25). Nous avons ici trois exponentiations.
Nous pouvons utiliser trois copies de l'équation diophantienne
(27) pour transformer l'équation (25) en l'équation :
En d'autres mots, afin de prouver que chaque ensemble listable possède
une représentation diophantienne il est suffisant de démontrer
qu'un ensemble listable particulier de triplets est diophantien. En
fait l'étude de ce problème particulier commenÁa beaucoup
plus tôt avec Julia Robinson, au début des années
1950, c'est-à-dire au moment même où Martin Davis
posa sa conjecture.
Julia Robinson échoua dans sa tentative de trouver une représentation
(27) de l'exponentiation. Elle trouva cependant des conditions suffisantes
pour l'existence d'une telle représentation.
Théorème (Julia Robinson, 1952).
Il existe un polynôme A tel que :
pourvu qu'il existe une équation :
telle que :
pour toute solution de l'équation
nous avons u < v puiss v ;
pour tout k il existe une solution vérifiant
u > v puiss k.
L'équation (28) définit une relation entre u et v qui
est réalisée si, et seulement si, l'équation (28)
possède une solution. Julia Robinson appela relation à
croissance exponentielle une telle relation satisfaisant ces deux
conditions. Elles devinrent connues dans la littérature sous
le nom de relations de Julia Robinson.
Il reste donc, pour démontrer la conjecture de Davis, à
trouver une relation à croissance exponentielle définie
par une équation diophantienne. De faÁon surprenante, parmi les
nombreuses équations à deux paramètres étudiées
en Théorie des nombres, depuis Diophante jusqu'à la fin
des années 1960, aucune ne définit une relation à
croissance exponentielle.
Ce fait, ainsi que les conséquences étonnantes de la
conjecture de Davis, engendrèrent des doutes sérieux sur
l'existence d'une relation de Julia Robinson. Elle-même, quelquefois,
se mit à douter et commenÁa à chercher une solution positive
au dixième problème de Hilbert.
Enfin, en 1970, je fus capable de construire une équation définissant
une relation à croissance exponentielle. Il s'agit de la relation
:
où F 0, F 1, ä est la suite bien connue des nombres de Fibonacci
:
0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, ä
Cette célèbre suite a été très étudiée
depuis l'époque de Fibonacci mais néanmoins j'ai trouvé
une propriété remarquable qui semble être restée
inconnue aux théoriciens des nombres pendant des siècles,
à savoir que :
Cette propriété n'est pas difficile à démontrer
une fois qu'elle a été énoncée.
La construction complète de la relation diophantienne à
croissance exponentielle n'utilise pas de résultats profonds
de la Théorie des nombres du vingtième siècle.
Elle aurait pu être trouvée au siècle dernier. Ce
qui manquait était une motivation.
Une telle motivation était alors une démonstration de
la conjecture de Davis. Ma construction d'une relation à croissance
exponentielle se trouva être chronologiquement la dernière
étape de la preuve de la conjecture de Davis, souvent appelé
le théorème DPRM d'après Davis-Putnam-Robinson-Matiiassévitch.
Théorème DPRM.
Tout ensemble listable de
n -uplets d'entiers naturels admet une représentation diophantienne,
c'est-à-dire :
pour un certain polynôme D à coefficients
entiers.
Ce théorème, ainsi que sa démonstration complète,
peuvent être trouvés de nos jours dans plusieurs publications,
y compris en langue franÁaise.
Nous avons obtenu, avec la preuve de la conjecture de Davis, tous
les corollaires improbables. La preuve complète est constructive
en ce sens que, étant donnée une représentation
standard d'un ensemble listable, nous pouvons trouver de faÁon effective
une de ses représentations diophantiennes. Nous pouvons, par
exemple, obtenir la représentation polynomiale de l'ensemble
des nombres premiers.
Théorème.
L'ensemble des nombres premiers est égal à l'ensemble
des valeurs strictement positives prises par le polynôme :
avec des valeurs strictement positives des 26 variables
a, ä, z.
Toutes les lettres de l'alphabet sont utilisées ici. Aujourd'hui,
on peut construire une représentation polynomiale des nombres
premiers avec seulement dix variables.
Revenons au dixième problème de Hilbert. La conjecture
de Davis implique son indécidabilité, et même en
un sens très fort. Un résultat classique de la théorie
de la calculabilité est l'existence d'un ensemble listable W
indécidable d'entiers naturels. Pour cet ensemble il n'existe
aucun algorithme pour déterminer, pour un entier naturel a, s'il
appartient à cet ensemble ou non. Puisque W est un ensemble
listable, nous pouvons trouver une de ses représentations diophantiennes
:
L'indécidabilité de W implique qu'il n'existe
pas d'algorithme pour déterminer pour quelles valeurs de a l'équation
(32) possède une solution et pour quelles valeurs elle n'en possède
pas.
Théorème (Une autre forme forte
de l'indécidabilité du dixième problème
de Hilbert).
Il existe une équation diophantienne à un seul paramètre
:
pour laquelle il n'existe pas d'algorithme pour déterminer,
pour une valeur donnée de a, si cette équation possède
une solution en entiers naturels x 1, ä, x m.
Ainsi nous n'avons pas besoin de considérer la classe complète
de toutes les équations diophantiennes pour obtenir un résultat
d'indécidabilité. Il suffit de considérer seulement
les équations de degré majoré par un certain nombre
d et avec un nombre d'inconnues majoré par un
autre nombre m.
Il existe un compromis entre ces deux bornes, c'est-à-dire que
l'une peut être rendue plus petite au coût de l'accroissement
de l'autre. Les records actuels sont les suivants :
Nous avons vu deux formes fortes de l'indécidabilité
du dixième problème de Hilbert. Nous pouvons les considérer
en une seule fois.
Théorème (Forme la plus forte
de l'indécidabilité du dixième problème
de Hilbert).
Il existe un algorithme qui, pour un algorithme donné ,
fournit un entier tel
que l'algorithme
ne donne pas la réponse correcte à l'équation
Cette forme fournit une solution négative au dixième
problème de Hilbert. Hilbert lui-même l'accepterait-il
comme solution? Je pense que "OUI". Pour justifier ce
point de vue je désire citer une partie du célèbre
article de Hilbert :
Il se peut aussi que l'on s'efforce d'obtenir une solution en se
basant sur des hypothèses insuffisantes ou mal comprises
et que, par suite, on ne puisse atteindre le but. Il s'agit alors
de démontrer l'impossibilité de résoudre le
problème en se servant d'hypothèses telles qu'elles
ont été données ou interprétées.
Les Anciens nous ont donné les premiers exemples de pareilles
démonstrations d'impossibilité ; ils ont démontré
ainsi que dans un triangle rectangle isocèle l'hypoténuse
et le côté de l'angle droit sont dans un rapport irrationnel.
Dans les Mathématiques contemporaines, la question de l'impossibilité
de certaines solutions joue un rôle prépondérant
; c'est à ce point de vue de la démonstration de l'impossibilité
que d'anciens et difficiles problèmes, tels que ceux de la
démonstration de l'axiome des parallèles, de la quadrature
du cercle et de la résolution par radicaux de l'équation
du cinquième degré, ont reÁu une solution parfaitement
satisfaisante et rigoureuse, bien qu'en un sens tout différent
de celui qu'on cherchait primitivement. Le fait remarquable dont
nous venons de parler et certains raisonnements philosophiques ont
fait naître en nous la conviction que partagera certainement
tout mathématicien, mais que jusqu'ici personne n'a étayée
d'aucune preuve, la conviction, dis-je, que tout problème
mathématique déterminé doit être forcément
susceptible d'une solution rigoureuse, que ce soit par une réponse
directe à la question posée, ou bien par la démonstration
de l'impossibilité de la résolution, c'est-à-dire
la nécessité de l'insuccès de toute tentative
de résolution.
Ainsi, presque certainement, Hilbert serait satisfait de la "solution
négative" du dixième problème. Mais nous pouvons
désormais nous poser une autre question : Hilbert serait-il
satisfait de l'énoncé du problème lui-même
s'il avait su qu'il pouvait être "résolu" de
cette faÁon? Je pense que "NON".
J'explique mon point de vue. Le dixième problème occupe
moins d'espace qu'aucun autre problème dans l'article de Hilbert.
Durant son exposé il n'en dit pas un mot, ainsi que sur quelques
autres problèmes. Son exposé dura deux heures et demi
mais ceci ne fut pas suffisant pour présenter les vint-trois
problèmes ; ainsi quelques problèmes, dont le dixième,
ne furent pas présentés oralement mais seulement inclus
dans la version imprimée de l'exposé.
Ainsi Hilbert ne donna-t-il pas de motivation pour le dixième
problème. Nous pouvons seulement deviner pourquoi il ne parla
que des solutions en "entiers rationnels". Nous avons vu que
cela est équivalent à rechercher un algorithme pour résoudre
les équations diophantiennes en entiers naturels. Mais, en fait,
Diophante lui-même ne résolvait les équations ni
en entiers naturels, ni en entiers relatifs, il cherchait des solutions
rationnelles. Donc pourquoi Hilbert ne demanda-t-il pas une procédure
pour déterminer l'existence de solutions rationnelles? La réponse
est plus ou moins évidente. Hilbert était optimiste et
croyait en l'existence d'un algorithme pour résoudre les équations
diophantiennes en entiers. Un tel algorithme nous permettrait également
de résoudre les équations en rationnels.En effet, résoudre
une équation :
en les rationnels c 1, ä, c m
est équivalent à résoudre l'équation :
en les entiers naturels x 1, ä, x m,
y 1, ä, y m, z. La
dernière équation est équivalente à l'équation
diophantienne :
où d est le degré de D.
Il existe une réduction un peu moins évidente de la résolution
des équations diophantiennes en rationnels à la résolution
des équations diophantiennes homogènes en entiers. Nous
commenÁons par transformer (34) en :
et alors en :
mais un "truc" supplémentaire est nécessaire
pour garantir que z est différent de zéro.
Ainsi en demandant explicitement de résoudre les équations
diophantiennes en entiers, Hilbert demandait implicitement de résoudre
les équations diophantiennes en rationnels. Une solution positive
du dixième problème, tel qu'il fut énoncé,
aurait donné immédiatement une solution positive au problème
analogue sur les solutions en rationnels.
Cependant nous avons obtenu une solution négative de l'énoncé
originel du dixième problème. Qu'est-ce que cela implique
pour la résolution des équations diophantiennes en rationnels
? Rien. En fait le problème de décision de détermination
de la résolution d'une équation diophantienne quelconque
en rationnels est équivalent au problème de la résolution
des équations diophantiennes homogènes en entiers. De
telles équations forment seulement une sous-classe de l'ensemble
des équations diophantiennes et il est en fait possible que pour
cette classe réduite il existe un algorithme.
Ainsi, très certainement, si Hilbert avait pressenti l'inexistence
d'un algorithme pour résoudre les équations diophantiennes
en entiers, il aurait également inclus dans le dixième
problème le cas de la résolution en rationnels. Nous pouvons
donc comprendre le dixième problème en deux sens.
Le sens restreint, c'est-à-dire le problème
tel qu'il a été littéralement énoncé.
Le sens large, incluant d'autres problèmes dont
la solution aurait suivi facilement d'une solution positive du dixième
problème tel qu'il a été énoncé.
Dans le sens restreint le dixième problème est clos mais
dans le sens large il est encore ouvert.
Résoudre des équations reste un des plus importants problèmes
ouverts à propos du dixième problème pris dans
son sens large. Les progrès dans cette direction sont plutôt
faibles.
D'autres problèmes ouverts existent. Au lieu de résoudre
les équations diophantiennes en rationnels, on peut être
intéressé à les résoudre en l'anneau des
entiers d'une extension algébrique du corps des rationnels. On
peut, par exemple, être intéressé à résoudre
les équations diophantiennes en entiers de Gauss, c'est-à-dire
les nombres de la forme a + b.i avec a,
b Il
est clair qu'une équation :
possède une solution en entiers de Gauss si, et seulement si,
l'équation :
possède une solution en entiers relatifs. En écrivant
:
nous pouvons réduire la résolution de l'équation
(39) en entiers de de Gauss à la résolution de l'équation
diophantienne :
en entiers.
Ainsi pouvons-nous considérer les équations diophantiennes
en entiers de Gauss comme une partie du dixième problème
de Hilbert au sens large.
Ce problème a été montré indécidable
par Denef. Plus précisément il a trouvé une réduction
dans le sens opposé, c'est-à-dire qu'il a montré
comment le problème consistant à résoudre une équation
diophantienne :
en entiers peut être réduit au problème consistant
à résoudre une autre équation diophantienne :
en entiers de Gauss. Gr’ce à cette réduction, l'indécidabilité
du dixième problème dans le sens restreint implique l'indécidabilité
de sa contre-partie pour les entiers de Gauss.
Des réductions semblables ont été trouvées
par différents chercheurs pour les anneaux d'entiers de quelques
autres extensions algébriques du corps des rationnels, ce qui
constitue un progrès pour le dixième problème de
Hilbert au sens large. Cependant ceci n'a été fait que
pour certaines extensions bien particulières, le cas général
d'une extension quelconque reste encore un important problème
ouvert à propos du dixième problème au sens large.
En introduisant le problème au sens large j'ai parlé
de "problèmes de décision dont la solution aurait
suivie facilement d'une solution positive du dixième problème
tel qu'il a été énoncé". La résolution
des équations diophantiennes en rationnels ou en entiers de Gauss
aurait suivi facilement. Il existe beaucoup d'autres problèmes
dont la réduction au dixième problème n'est pas
difficile mais beaucoup moins évidente. Je vais maintenant présenter
plusieurs exemples de tels problèmes qui peuvent être considérés
comme des cas du dixième problème au sens large.
CommenÁons par le célèbre dernier théorème
de Fermat qui vient d'être résolu. Hilbert n'inclut pas
explicitement le dernier théorème de Fermat dans ses problèmes.
Ce problème concerne la non-résolubilité d'un ensemble
infini d'équations diophantiennes :
et donc il n'apparaît pas a priori comme un cas du dixième
problème puisque Hilbert demandait seulement la solution d'équations
diophantiennes simples et non pas d'une famille d'entre elles.
L'équation de Fermat est une équation diophantienne en
x, y et z pour une valeur fixée de n
mais est une équation diophantienne exponentielle si on la regarde
comme une équation en x, y, z et n.
Mais maintenant nous savons comment transformer une équation
diophantienne exponentielle en une équation diophantienne véritable
avec des inconnues supplémentaires. Nous pouvons construire,
en particulier, un polynôme F à coefficients entiers
tel que l'équation :
possède une solution en u 1, ä,
u m si, et seulement si, n, x, y
et z forment une solution de l'équation de Fermat. Ainsi
le dernier théorème de Fermat est-il équivalent
à l'énoncé disant qu'une certaine équation
diophantienne véritable :
ne possède pas de solution en les inconnues en entiers naturels.
Quelqu'un a pris soin d'exhiber une telle équation explicitement.
Ainsi une solution positive au dixième problème de Hilbert
dans sa formulation originelle nous aurait donné un outil pour
confirmer ou infirmer le dernier théorème de Fermat. Ainsi,
bien que le dernier théorème de Fermat ne soit pas présenté
explicitement parmi les problèmes de Hilbert, il est présenté
comme un cas très particulier du dixième problème.
Cependant une telle réduction du dernier théorème
de Fermat à une seule équation diophantienne n'était
pas connue avant 1970.
Nous pouvons considérer un autre problème célèbre,
la conjecture de Golbach, qui a été incluse par Hilbert
dans son huitième problème et qui demeure toujours ouvert.
La conjecture de Goldbach dit que tout entier pair plus grand que
quatre est la somme de deux nombres premiers. Nous pouvons considérer
l'ensemble
des nombres pairs qui sont plus grands que deux sans être la somme
de deux nombres premiers. Pour tout nombre particulier a nous
pouvons facilement vérifier s'il est un contre-exemple à
la conjecture de Goldbach ou non. Ainsi cet ensemble
de contre-exemples est-il listable et donc diophantien. Nous pouvons
donc trouver une équation diophantienne particulière :
qui possède une solution si, et seulement si, a ne vérifie
pas la conjecture. La conjecture de Goldbach est équivalente
à l'énoncé disant que l'ensemble
est vide ou, ce qui revient au même, à l'énoncé
disant que l'équation diophantienne :
n'a pas de solution du tout.
Nous voyons une fois de plus que la solution positive au dixième
problème sous sa forme originelle nous aurait permis de savoir
si la conjecture de Goldbach est vraie ou non.
La réduction de la conjecture de Goldbach à une équation
diophantienne particulière est moins évidente et requière
plus de technique que la réduction du dernier théorème
de Fermat puisque nous avons désormais à faire à
la primalité. Cette réduction n'est peut-être pas
étonnante puisque la conjecture de Goldbach concerne les entiers
naturels.
À part la conjecture de Goldbach, Hilbert inclut dans son huitième
problème une autre conjecture, la célèbre hypothèse
de Riemann. Dans sa formulation originelle c'est un énoncé
sur les zéros complexes de la fonction dzéta de Riemann,
qui est le prolongement analytique de la série :
qui converge pour R(z) . 1. Néanmoins nous pouvons21 construire
une équation diophantienne particulière :
qui ne possède pas de solution si, et seulement si, l'hypothèse
de Riemann est vraie. Une telle réduction exige soit l'utilisation
de la théorie des fonctions analytiques, soit l'utilisation du
fait que l'hypothèse de Riemann peut être reformulée
comme un énoncé sur la distribution des nombres premiers.
Ainsi voyons-nous une fois de plus qu'un problème mathématique
est un cas particulier du dixième problème de Hilbert
dans sa forme originelle. Les trois célèbres problèmes
considérés ci-dessus, c'est-à-dire le dernier théorème
de Fermat, la conjecture de Goldbach et l'hypothèse de Riemann,
concernent les entiers et donc leur réduction à des équations
diophantiennes, bien que non évidente, est tout à fait
imaginable a priori. Cependant, en Logique mathématique il existe
un outil puissant, l'arithmétisation, qui nous permet de réduire
à la théorie des nombres des problèmes qui ne portent
pas sur les entiers du tout. Comme dernier exemple je vais considérer
un célèbre défi aux mathématiciens, le problème
des quatre couleurs, résolu en 1976 par Appel et Haken. C'est
un problème sur la coloration des cartes planes mais, une fois
de plus, nous pouvons construire une équation diophantienne :
qui ne possède pas de solution si, et seulement si, le problème
des quatre couleurs est vrai. Une fois encore un problème qui
n'a pas été inclus par Hilbert dans sa liste de problèmes
apparaît comme une forme masquée du dixième problème.
J'ai décrit la réduction à des équations
diophantiennes de quatre problèmes célèbres :
le dernier théorème de Fermat,
la conjecture de Goldbach,
l'hypothèse de Riemann,
le problème des quatre couleurs.
Deux de ces problèmes sont maintenant résolus, les deux
autres restant ouverts. Ces réductions nous donnent une "preuve
psychologique" de l'indécidabilité du dixième
problème de Hilbert, puisqu'il est impensable qu'une seule méthode
nous permette de résoudre automatiquement plusieurs problèmes
tellement divers et très profonds. La réduction de ces
problèmes peut être considérée comme amusante
mais ces réductions sont-elles utiles? Le dixième problème
est indécidable aussi n'avons-nous pas de méthode universelle
pour résoudre tous les problèmes une fois pour toutes.
Nous ne pouvons guère résoudre chacun de ces problèmes
en regardant l'équation diophantienne particulière correspondante
puisqu'elles sont plutôt compliquées.
Mais nous pouvons renverser l'ordre des choses. Le dixième problème
est indécidable et nous avons besoin d'inventer de plus en plus
de méthode ad hoc pour résoudre de plus en plus
d'équations diophantiennes. Nous pouvons maintenant regarder
la preuve du dernier théorème de Fermat et celle de la
conjecture des quatre couleurs comme des outils très profonds
pour traiter des équations diophantiennes particulières
et nous pouvons essayer d'étendre ces techniques à d'autres
équations.
Remerciements
L'auteur est très reconnaissant envers Patrick Cegielski pour
son aide lors de la préparation en franÁais à la fois
de l'exposé et de cet article.
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: URL : http://logic.pdmi.ras.ru/Hilbert10.
(en anglais).