TABLE DES MATIÈRES

L'espace
sensible

Le sentiment de la direction

Représentation de l'espace

Déplacement et changement d'état

Classification des déplacements

Introduction de la notion de groupe

Conséquences de l'existence du groupe

Propriétés du groupe

Continuité

Sous-groupes

Sous-groupes rotatifs

Sous-groupes translatifs

Nombre des dimensions

La notion du point

Discussion de la théorie précédente

Le raisonnement d'Euclide

La géométrie de Staudt

L'axiome de Lie

La géométrie et la contradiction

L'emploi des figures

La forme et la matière

Conclusions

 

 

le catalogue le concours K.S.F. le club les tests M & M.net la cite les liens newsgroup E.mail

 

LE SENTIMENT DE LA DIRECTION

On dit souvent que certaines de nos sensations sont toujours accompagnées d'un sentiment particulier de la direction qui leur donne un caractère géométrique. Telles sont les sensations visuelles et musculaires. D'autres au contraire, telles que les sensations du goût et de l'odorat ne sont pas accompagnées de ce sentiment et sont, par conséquent, dénuées de tout caractère géométrique.Dans cette théorie, la notion de direction serait préexistante à toute sensation visuelle ou musculaire et en serait même la condition.

Je ne suis pas de cet avis ; demandons-nous d'abord si le sentiment de la direction forme réellement une partie constituante de la sensation. Je ne vois pas très bien comment il peut y avoir dans la sensation quelque chose d'autre que la sensation elle-même. Et observons de plus que la même sensation peut, selon les circonstances, exciter le sentiment de différentes directions. Quelle que soit la position du corps, la contraction du même muscle, le biceps du bras droit par exemple, provoquera toujours la même sensation musculaire ; et cependant, comme nous sommes avertis par d'autres sensations concomitantes que la position du corps a changé, nous savons aussi très bien que la direction du mouvement a changé.

Le sentiment de la direction ne fait donc pas partie intégrante de la sensation puisqu'il peut varier sans que la sensation varie. Tout ce que nous pouvons dire est que le sentiment de la direction est associé à certaines sensations. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Entendons-nous par là que la sensation est associée à quelque chose d'indéfinissable que nous pouvons nous représenter, mais qui n'est cependant pas une sensation ? Non, nous voulons dire simplement que les différentes sensations qui correspondent à la même direction sont associées les unes aux autres et que l'une d'elles suscite les autres suivant les lois ordinaires de l'association des idées. Toute association d'idées n'est qu'un produit de l'habitude et il resterait à découvrir comment l'habitude s'est formée.

Mais nous sommes encore loin de l'espace géométrique. Nos sensations ont été classées d'une nouvelle manière : celles qui correspondent à la même direction sont groupées ensemble ; celles qui sont isolées et ne se rapportent à aucune direction ne sont pas considérées. Des innombrables systèmes de sensations dont notre espace sensible était formé, quelques-uns ont disparus, d'autres ont été fondus ensemble. Leur nombre a diminué.

Mais cette nouvelle classification n'est pas encore l'espace ; elle n'implique aucune idée de mesure ; et, de plus, la catégorie restreinte ainsi obtenue ne serait pas un espace isotrope, c'est-à-dire que des directions différentes ne nous apparaÓtraient pas comme remplissant le même office et comme interchangeables l'une avec l'autre.
Et ainsi, ce "sentiment de la direction", loin d'expliquer ce qu'est l'espace, aurait besoin lui-même d'être expliqué.

Mais aidera-t-il au moins à trouver l'explication que nous cherchons ? Non, parce que les lois de cette association d'idées que nous appelons le sentiment de la direction sont extraordinairement complexes. Comme je l'ai expliqué plus haut, la même sensation musculaire peut correspondre à une foule de directions différentes suivant la position du corps, laquelle nous est connue par d'autres sensations concomitantes. Des associations si complexes ne peuvent être le résultat que d'un processus extrêmement long. Ce n'est donc pas ce chemin qui nous conduira le plus rapidement à notre but. Ne regardons donc pas comme acquis le sentiment de la direction, mais revenons à "l'espace sensible" dont nous étions partis plus haut.

 

REPRÉSENTATION DE L'ESPACE

L'espace sensible n'a rien de commun avec l'espace géométrique. Je crois que peu de personnes seront disposées à contester cette assertion. Il serait peut-être possible d'épurer la catégorie que j'ai considérée au début de cet article et de construire quelque chose qui ressemblât davantage à l'espace géométrique. Mais, quoi que nous fassions, l'espace ainsi construit ne serait jamais ni infini, ni homogène, ni isotrope ; il ne pourrait le devenir qu'en cessant d'être accessible à nos sens.

Nos représentations ne sont que la reproduction de nos sensations ; nous ne pouvons donc pas figurer l'espace géométrique. Nous ne pouvons pas nous représenter les objets dans l'espace géométrique, mais seulement raisonner sur eux comme s'ils existaient dans cet espace.

Un peintre s'efforcerait en vain de construire sur sa toile un objet possédant trois dimensions. L'image qu'il trace n'en aura jamais que deux, comme sa toile. Quand nous essayons, par exemple, de nous représenter le soleil et les planètes dans l'espace, tout ce que nous pouvons faire est de nous représenter les sensations visuelles que nous éprouvons quand cinq ou six petites sphères tournent tout près de nous.

L'espace géométrique ne peut donc pas servir de catégorie pour nos représentations. Il n'est pas une forme de notre sensibilité. Il ne peut nous servir que dans nos raisonnements. Il est une forme de notre entendement.

Déplacement et changement d'état ....

 

 

 

© 2000 ACL - Les Éditions du Kangourou.