TABLE DES MATIÈRES

L'espace
sensible

Le sentiment de la direction

Représentation de l'espace

Déplacement et changement d'état

Classification des déplacements

Introduction de la notion de groupe

Conséquences de l'existence du groupe

Propriétés du groupe

Continuité

Sous-groupes

Sous-groupes rotatifs

Sous-groupes translatifs

Nombre des dimensions

La notion du point

Discussion de la théorie précédente

Le raisonnement d'Euclide

La géométrie de Staudt

L'axiome de Lie

La géométrie et la contradiction

L'emploi des figures

La forme et la matière

Conclusions

 

 

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NOMBRE DES DIMENSIONS

Dans la théorie ordinaire des groupes, nous distinguons l'ordre et le degré. Supposons d'abord le cas le plus simple, celui d'un groupe formé par différentes permutations entre certains objets. Le nombre des objets est appelé le degré; le nombre des permutations est appelé l'ordre du groupe. Deux tels groupes peuvent être isomorphes et leurs permutations peuvent se combiner suivant les mêmes lois sans que leur degré soit le même. Ainsi considérons les différentes manières dont un cube peut être superposé à lui-même. Les sommets peuvent être échangés l'un avec l'autre comme peuvent l'être aussi les faces et les arêtes; d'où résultent trois groupes de permutations qui sont évidemment isomorphes entre eux; mais leur degré peut être huit, six ou douze, puisqu'il y a huit sommets, six faces et douze arêtes.

D'autre part deux groupes isomorphes entre eux ont toujours le même ordre. Le degré est, pour ainsi dire, un élément matériel et l'ordre un élément formel dont l'importance est bien plus grande. La théorie de deux groupes de degré différent peut être la même en ce qui concerne ses propriétés formelles; exactement comme la théorie mathématique de l'addition de trois vaches et quatre vaches est identique à celle de trois chevaux et quatre chevaux.

Quand nous passons aux groupes continus les définitions de l'ordre et du degré doivent être modifiées, mais sans en sacrifier l'esprit. Les mathématiciens supposent ordinairement que l'objet des opérations du groupe est un ensemble d'un certain nombre n de quantités susceptibles de varier d'une manière continue, lesquelles quantités sont appelées coordonnées. D'autre part, toute opération du groupe peut être regardée comme faisant partie d'un faisceau analogue au faisceau rotatif et comme un multiple d'un ordre très élevé d'une opération infinitésimale appartenant au même faisceau. En outre, toute opération infinitésimale du groupe peut être décomposée en k autres opérations appartenant à k faisceaux donnés. Le nombre n des coordonnées (ou des dimensions) est alors le degré et le nombre k des composantes d'une opération infinitésimale est l'ordre. Ici encore deux groupes isomorphes peuvent avoir des degrés différents, mais doivent être du même ordre. Ici encore le degré est un élément relativement matériel et secondaire et l'ordre un élément formel. Etant donné les lois établies plus haut, le groupe de déplacements que nous considérons est ici du sixième ordre, mais son degré est encore inconnu. Ce degré nous sera-t-il donné immédiatement?

Les déplacements, comme nous l'avons vu, correspondent à des changements dans nos sensations et si nous distinguons dans notre groupe entre la forme et la matière, la matière ne peut pas être autre chose que ce que les déplacements font changer, c'est-à-dire nos sensations. Même si nous supposons que ce que nous avons appelé plus haut espace sensible fût déjà construit, la matière du groupe sera représentée par autant de variables continues qu'il y a de fibres nerveuses; le "degré" de notre groupe serait extrêmement grand. L'espace n'aurait pas trois dimensions, mais autant qu'il y a de fibres nerveuses. Telle est la conséquence à laquelle nous arrivons si nous considérons comme matière de notre groupe ce qui nous est immédiatement donné. Comment échapperons-nous à la difficulté? Evidemment en remplaçant le groupe qui nous est donné, avec sa forme et sa matière, par un autre groupe isomorphe dont la matière est plus simple.
Mais comment cela peut-il se faire? Précisément gríce à cette circonstance que les déplacements qui conservent certains éléments sont les mêmes que ceux qui conservent certains autres éléments. Nous convenons alors de remplacer tous ces éléments qui sont conservés par les mêmes déplacements par un seul élément qui n'a qu'une valeur purement schématique. D'où résulte une réduction considérable du degré.

Je vois par exemple un corps solide tournant autour d'un point fixe. Les parties voisines du point fixe sont peintes en rouge. C'est un déplacement et dans ce déplacement je perçois que quelque chose demeure invariable -, à savoir la sensation de rouge qui m'est transmise par une certaine fibre du nerf optique. Quelque temps après, je vois un autre corps solide tournant autour d'un point fixe. Mais les parties voisines du point fixe sont peintes en vert. Les sensations éprouvées sont en elles-mêmes tout à fait différentes, mais je perçois que c'est le même déplacement parce qu'il peut être corrigé par le même changement interne. Ici encore quelque chose reste invariable; mais ce quelque chose est entièrement différent au point de vue matériel; c'est la sensation de vert transmise par une certaine fibre nerveuse.

Ces deux choses qui sont matériellement si différentes, je les remplace schématiquement par une seule chose que j'appelle un point et j'exprime ma pensée en disant que dans un cas comme dans l'autre un point du corps est demeuré fixe. Ainsi chacun de nos nouveaux éléments sera ce qui est conservé par tous les déplacements d'un sous-groupe; à chaque sous-groupe correspondra alors un élément et vice-versa.

Considérons les différents transformés du même sous-groupes. Le nombre en est infini et ils peuvent former une infinité continue simple, double ou triple. A chacun de ces transformés on peut faire correspondre un élément; j'ai alors une infinité simple, double, triple, etc..., de ces éléments et le degré de notre groupe continu est 1, 2, 3...

Supposons que nous prenions les différents transformés d'un sous-groupe rotatif. Nous avons ici une infinité triple. La matière de notre groupe se compose donc d'une triple infinité d'éléments. Le degré du groupe est trois. Nous avons en ce cas choisi le point comme élément de l'espace et donné à l'espace trois dimensions.

Supposons que nous prenions les différents transformés d'un sous-groupe hélicoïdal. Ici nous avons une infinité quadruple. La matière de notre groupe se compose d'une quadruple infinité d'éléments. Son degré est quatre. Nous avons en ce cas choisi la ligne droite comme élément de l'espace -, ce qui donnerait à l'espace quatre dimensions.

Supposons enfin que nous choisissions les différents transformés d'un faisceau rotatif. Le degré serait alors cinq. Nous avons choisi comme élément de l'espace la figure formée par une ligne droite et un point sur cette ligne droite. L'espace aurait cinq dimensions.

Ce sont là trois solutions dont chacune est possible logiquement. Nous préférons la première parce qu'elle est la plus simple et elle est la plus simple parce qu'elle est celle qui donne à l'espace le nombre le plus petit de dimensions. Mais il y a une autre raison qui recommande ce choix. Le sous-groupe rotatif attire d'abord notre attention parce qu'il conserve certaines sensations. Le sous-groupe hélicoïdal ne nous est connu que plus tard et plus indirectement. Le faisceau rotatif d'autre part n'est lui-même qu'un sous-groupe du sous-groupe rotatif.

La notion du point ...

 

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